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Strulptures,

vers une approche

Pliage

L’élément premier à partir duquel se constituent certaines strulptures est le pliage de feuilles blanches, assemblées les unes aux autres, de telle façon que s’effectue un partage de l’espace, que se créent des espaces différenciés. Cet assemblage constitue une surface solide et fragile à la fois. Lorsque le pliage se fait selon une technique d’enroulement, l’air est présent dans la « paroi », ce sont alors comme des tuyaux assemblés. Rien ne se donne à lire, les feuilles sont blanches, elles sont par là même prises dans un ensemble pré-langagier autant que pré-sonore, même si l’air qu’elles contiennent pourrait être véhicule d’un son, la surface blanche, support d’une parole. Silence, soustraction du son et plus encore de la parole, de tout régime d’identification, de toute échelle sonore comme de toute ligne de signification. C’est à partir de la répétition d’éléments non différenciés que se forme la « paroi ». Comme autant de réalités pré-individuelles mais à partir desquelles se différencient des champs dans l’espace, que se constitue un espace de champs divers et reliés. Doit on supposer que la multiplicité pliée et assemblée, anonyme et vide, est cela même qui rend possible qu’il y ait une possibilité de lieux idéaux ou non, où le spectateur circule ou non, mais qui dans tous les cas le fait être selon la position qu’il occupe ? Le « fait être » en ceci que le « je suis » recoupe le « où je suis », que être c’est être là ; mais ce que veut dire « être là » est porté à la question par les strulptures, car il n’y a pas ici d’évidences. Comme si était en jeu un Pli secret du lieu que mettrait en oeuvre l’opération de pliage-assemblage-différenciation de lieux.

Espace, genèse

Mais qu’entendons nous par « pli secret du lieu » ? Quel espace est à l’œuvre dans une strulpture ? Est-il d’ailleurs à proprement parler question de « lieux » ? Le pli en question n’est il justement pas d’inscrire un lieu auprès d’autre chose que lui-même, autre chose, même, qu’un autre lieu ? C’est l’usage du terme de « strulpture » qui déjà invite à cette question. Car nous sommes d’emblée renvoyés à des œuvres qui ne relèvent ni de l’espace défini par la présence d’une sculpture, ni de celui que définit une structure à caractère architectural. Or le lieu entretient un rapport privilégié à la sculpture, l’avoir-lieu de l’œuvre sculpturale pouvant être compris comme ce qui constitue le lieu dans sa singularité, que lui communique l’œuvre - par émanation. Alors que c’est par enveloppement, différenciation d’un dehors et d’un intérieur lui-même différencié que l’architecture crée un espace distingué (profane/sacré, collectif/privé, etc.). Plutôt que de dire que la strulpture participe des deux, il convient mieux d’y voir ce qui est en jeu entre les deux ; mais, là non plus, pas comme ce qui circule entre ces deux rapports à l’espace en tant qu’ils préexistent à la strulpture ; plutôt un espace antérieur à sa division comme à la division de la sculpture et de la structure architecturale. Nous ne pouvons probablement pas saisir la singularité de cet espace de la strulpture sans y introduire une donnée temporelle dont elle est indissociable, comme le laisse entendre cette « antériorité » possible de l’espace strulptural. Mais comme, aussi, l’insinue le rythme constitué par l’assemblage des surfaces pliées : les « parois » sont porteuses d’un temps propre à l’œuvre, d’une expansion rythmée faisant apparaître ces divers espaces de l’œuvre comme étant pris dans une oscillation entre l’espace développé par la sculpture et l’espace enveloppé par l’architecture. La légèreté et fragilité des « parois » renforce cette sensation de vibration d’une ligne passant « entre » : pas tant, donc, parce que le « entre » serait un « entre des espaces » au sens usuel, que parce que ce sont des types d’espaces différenciés au regard desquels il s’agit de passer « entre ». Une genèse de ces espaces, le moment toujours présent mais inhabituel, pour l’inscription de nos êtres en leurs formes de vie, qui la rend possible.

Rythme, processus

Cette temporalité rythmée est celle là même qui expose la création de la strulpture, lorsque les feuilles pliées et assemblées en sont l’élément déterminant, comme processus dynamique. Dans la strulpture du hall, c’est par sa décomposition que s’exprime le processus à l’œuvre dans l’œuvre : en dé-composant l’œuvre, certains éléments passant du RDC à l’étage ; et en la soumettant à une décomposition de la matière, le ponçage disséminant sciure et poussières du bois alentour. Dans la tour de caramel, la matière passe du solide verticale au visqueux ou liquide horizontal. Dans tous les cas, le processus en jeu engage l’œuvre, qui ne se comprend pas sans lui, car il la constitue. Si c’est avec les pliages qu’un rythme abstrait transparaît directement, c’est pourtant aussi le cas ailleurs, ce que rend évident que la dé-composition de l’œuvre soit toujours, dans le même temps, une re-composition : transformations ou devenir de l’œuvre. Ces rythmes et processus inscrivent dans les créations une dimension naturelle, comme cycles produisant de la différence, tantôt par inclusion de modifications d’états de la matière (sucre, bois, …), tantôt par constitution d’un rythme plus abstrait (pliages). Mais c’est toujours une nature équivoque : le périssable développe une renaissance, comme les pulsations des « parois » de papier restent présentes malgré leur légèreté et fragilité. Rythmes et processus sont par là ce qui fait, au sens propre, la vitalité de l’œuvre. Mais c’est aussi le spectateur qui y participe, quitte à n’être lui-même convié qu’à ce titre (ce qui ne doit pas laisser entendre que c’est un pur et simple délaissement de la subjectivité du spectateur qui est en jeu, comme nous le verrons plus loin). Emergences latentes, figures Que l’œuvre ait à être comprise comme la mise en œuvre d’un processus est déjà ce qui établit une relation particulière du spectateur à celle-ci : les traces de son passage sont visibles sur la poussière du hall ; le sucre fondu porte aussi des traces. Mais il ne suffit pas de souligner la présence de ces traces visibles pour rendre compte de la façon dont le spectateur serait ainsi convié, volontairement ou non, au processus de l’œuvre : c’est que déjà à ce niveau importe davantage que soit en jeu une émergence latente, aux frontières du visible. « Trace » dit cette frontière mais nous expose à un malentendu, car ce n’est pas, même anonymes, d’identités figuratives potentielles dont il est question. Plutôt le contraire : un potentiel d’émergences figuratives, et c’est à ce titre que le spectateur, tout autant qu’une souris, une mouche, un oiseau ou quoi que ce soit d’autre de passage en cet espace participe à de telles émergences. Si bien que à ce niveau, notons-le au passage, au spectateur ne se trouve comme tel accordé dans l’œuvre aucun privilège. La trace visible n’est pas l’unique opérateur d’émergence : la Figure peut aussi bien exister comme figure purement abstraite, à l’état de pur potentiel. Et c’est ce qui a lieu dans les strulptures fondées sur le pliage : les champs que nous évoquions précédemment se comprennent maintenant comme champs de forces, ces forces qui font à la fois émerger des figures abstraites, mais aussi des forces qui les maintiennent à l’état de latence. Un pur jeu de forces qui émanent et contiennent à la fois (alors que la trace visible est un lâché dans le visible en tant qu’opérateur d’identification possible), qui dévoilent et voilent, se montrent cachées (cachettes d’espaces). « Utopie » peut nous donner une idée de ce que ce sont ces figures. Mais il faut alors comprendre par utopie la présence de ce qui n’occupe pas un lieu ni ne définit un autre espace que l’espace présent ; c'est-à-dire ne pas comprendre « utopie » sur un mode privatif, sinon comme force présente à l’œuvre en ce qui constitue notre réalité, bien qu’invisible. L’espérance, c’est que puisse advenir là une figure dont la force tient précisément d’y participer. « Sois là » pourrait nommer l’impératif auquel la strulpture convie le spectateur.

Visible et audible, positions

L’expérience de l’être là s’associe, pour le « spectateur » -qui ne peut se rapporter à la strulpture comme simple spectateur- à une position. Il faut parvenir à se vivre dans une position pour se rapporter à une strulpture, comme corrélat de l’être à l’œuvre, à entendre, aussi, le corps est là. Nous devons ici commencer à sentir le flou des frontières du sujet et de l’œuvre ; car l’expérience subjective, très logiquement, n’est pas seulement suscitée par l’œuvre, elle est constituée comme élément de l’œuvre qui, en retour, constitue le sujet en son être là : le « là », c’est en effet le point de jonction du sujet et de l’œuvre. Mais conformément au caractère utopique, au pur potentiel d’émanation d’une figure, le « là » de la strulpture ne saurait réduire la question de la position à un jeu interne au visible, faire de l’ordre du visible l’unique domaine d’habitation de l’espace. C’est en ce sens qu’intervient le son : de façon très concrète, le « spectateur » est convié à se sentir être en l’espace strulptural par sa position. Si sur le plan visuel le mouvement produit une différence de point de vue, cela ne suffit pas à comprendre la position, là. La position n’est pas qu’une place, le mouvement ou changement de position, un déplacement ; or c’est bien au risque de les y réduire que s’expose le rapport du sujet à son monde environnant lorsqu’il saisit et vit ce rapport uniquement sur le plan visuel (même si la peinture en son histoire n’a pas cessé de déjouer ce piège, par tout un ensemble de déterminations de rapports du visible à ce qui l’excède). Le son comme élément de la composition strulpturale permet en effet de développer une série de positions du sujet qui conjuguent données sonores et données visuelles comme conjugaison de lignes sensibles à la croisée desquelles le point définit une position. Si bien que l’on n’échappe pas, quelle que soit la position, à l’impératif du « sois là ». Mais ce n’est pas tout : car c’est dans le mouvement que la singularité de la position s’éprouve. Autrement dit, une position, si elle peut valoir pour elle-même, cela tient déjà à ce qu’elle appartienne à une série mouvante. Mais qu’est ce que cela signifie ? Qu’est ce que cela peut bien signifier sinon que la position est ce qu’adopte le sujet en tant que vivant, en tant que son être là est un vivre là, vivre dans, par, au travers la série infinie de situations où nous sommes.

Je anonyme et vide, « là suis-je »

Selon quel mode d’être se réalise la vie ? A quoi devons nous participer pour que cette vie ne soit pas seulement celle que nous voulons maîtriser en nous l’appropriant ? Comment la vie en son infinité peut elle, au-delà de « ma » vie, s’éprouver ? Comment celui qui se sait procéder d’un élan dont il constitue un fragment et un moment peut il expérimenter l’absolu qu’il nie dans le fait d’être ce qu’il est ? Autant de questions-expériences auxquelles les strulptures font écho, comme ce que nous disions précédemment sur processus, genèse, figures et position le laisse entendre, dès lors que nous les pensons autour de la notion de vie. Le sujet de cette expérience, le « je » qui y correspond, n’est pas un « je suis » simplement dépouillé des déterminations du « moi » qui le singularise. Car le « je » du « je suis » pourrait bien alors apparaître anonyme (et ainsi valoir pour un « je » quelconque) autant que vide, au sens de ne disposer d’aucune des déterminations du « moi » (désirs, pensées et perceptions propres) ; mais ne se donnerait alors encore pas la vie profonde à laquelle « je » participe. La strulpture renvoie aux frontières de la nomination comme du contenu latent lié au contenant : nous pouvons ici nous souvenir de ce qu’elle tente d’échapper à la différence d’espaces prédéfinis, d’échapper au cloisonnement de la sculpture et de la structure (qui contient et rend possibles des contenus distincts par cela même). A la sculpture s’associe, de façon privilégiée, le nom –par bien des aspects la sculpture est incorporation d’un nom qu’elle intègre dans un espace le plus souvent public pour lequel le nom s’avère de ce fait mémorable ; aux contenants structurels correspondent les contenus latents qui deviennent pour le « je » ce qui dispose l’espace de déterminations que s’approprie le moi pour son être ou son devenir –on en vient ainsi à parler d’un « intérieur bourgeois » comme signe d’identification, comme sur un autre plan peut l’être, par exemple, la fréquentation de l’église. La jonction de l’anonymat et du vide est donc ce dont le « je » est le sujet en tant, déjà, qu’il n’est pas saisi selon ces partages. Mais ce « je » anonyme et vide n’a pas à être pour autant pensé sur le seul mode soustractif, soustraction du nom et soustraction de ce que l’on possède disposé en cet intérieur que la structuration de l’espace de type architectural rend possible. Car c’est tout autant à un vide comme potentiel de vie et un anonymat comme préservation ou réserve de ce potentiel qu’expérimente le sujet. La strulpture apparaît en ce sens comme la remontée du mouvement que suit la porrection de ce potentiel. Et ce, par l’ensemble des procédés permettant de se libérer du partage usuel des espaces (procédés évoqués précédemment : positions, figures, processus, etc.) ; s’il y a cogito correspondant à la strulpture, il serait bien plutôt alors un « là suis-je » pour lequel le « où » n’est pas affaire de conscience. Pas plus un « je pense, je suis » cartésien qu’un « là où je pense je ne suis pas, donc là où je suis je ne pense pas » lacanien (car le deuxième « là », proche de celui du « là suis-je », reste ici tributaire du « là » de la pensée consciente –cela est dit sans ironie). Ou, pour le dire autrement, c’est le corps lui-même qui « pense » en le « là suis-je » -dans le meilleur des cas, avec ivresse joie et rire.

Différence, sentir

Ce corps sentant, « pensant », passe lui aussi au travers des partages que la division de la sculpture et de la structure, dans les arts, peut entretenir en ce domaine. C’est que nous serions tentés d’intégrer le rapport de l’esprit au corps selon des lignes de partages qui recoupent celles qu’organisent ces arts : tantôt le corps nous semble être la structure organique enveloppant un contenu psychique, tantôt la structure psychique apparaît comme ce qui inscrit le corps en une place quasiment indépendante de la vérité rapportée à la vie psychique. Dans les deux cas, on manque la spécificité du corps animé, de l’âme d’un corps. La dynamique du corps animé est un jeu de différences continues que ponctuent les processus, les figures, les positions par lesquelles le « je » se détermine en des formes de vie spécifiques, mais qui présupposent l’indiscernable jeu des différences. Une strulpture n’est pas l’exposition de ce jeu, mais la création d’une situation où le sujet peut l’éprouver. La différence est par là une réalité appartenant, fondamentalement, au domaine (du) sensible. Un inconscient qui n’a pas à être défini comme inconscient psychique absorbant en sa topique la question des lieux : en toute logique nous aboutissons par cette pieuse voie à une pulsion de mort, comme la sculpture, dans un mouvement inverse, prend appui sur le corps mort pour l’en extraire ; et nous aboutissons aussi par là à une structuration de la vie psychique ordonnée à un centre d’interprétation déterminant les significations, comme, ici aussi, à l’inverse, l’architecture peut instituer des centres à partir desquels le cheminement de vie en l’espace environnant prend sens (par exemple autour de temples, de parlements, ou d’usines). De même, les strulptures exposent à la contiguïté indiscernable de la puissance d’émanation (« âme ») et d’enveloppement d’un potentiel (« corps »), et non à la volonté de discerner la dynamique et la topique psychique inconsciente. Non pas réduire la Différence en la plaçant sur un registre psychique par où elle devient objet d’interprétation ; mais, à l’inverse, la creuser en l’expérimentant : « là suis-je », en l’expérience vivante de la Différence (le transcendantal donné par la série des différences). On trouve par exemple le signe de cette impossibilité de réduire l’inconscient à un inconscient psychique dans l’assemblage des feuilles pliées : il n’est pas question de répéter compulsivement un geste fixant un contenu à une structure névrotique, mais répéter le geste permettant la production d’un plan délivrant une différence spatiale (ou une pluralité de différences, comme dans la strulpture associant plan vertical et plan horizontal). La répétition ne se laisse alors pas ramener à l’impossible expression d’une identité supposée au lieu de sa névrose. La répétition est elle-même un opérateur de différenciation.

Altérité, dimensions

Par quoi le sujet participe t-il alors de la durée ? Car à poser la Différence comme transcendantal de l’être-là l’inscrivant dans la vie, la permanence du sujet semble compromise. Mais n’est ce pas justement par l’inscription du soi en la production de différences que peut s’éprouver la durée ? Une fois n’est rien, une différence ne tient que par celles qu’elle donne à puiser en son fond. Une différence dure parce qu’elle est une naissance. L’expérience de la Différence en amour en est probablement l’une des meilleures effectuations. Une chose ici nous frappe et nous saisit : le champ de potentiels ouvert par les strulptures n’expose pas seulement le rapport du sujet à lui-même ou aux différences qui le concernent ; il est aussi et dans le même temps une relation d’altérité extérieure à soi. Ce n’est pas qu’à un sentir propre à soi que se rapporte la strulpture, c’est une modification de notre rapport à la présence de l’autre qu’elle entraine. Très concrètement, il suffit que des personnes soient sujettes à l’espace sculptural pour qu’elles perçoivent une modification de leur intensité d’être là et de celles des autres. Nous disons les « autres », mais cette expérience de la présence de l’Autre concerne tout aussi bien, comme nous l’avons précédemment vu, toute forme de vie. Les strulptures sont vivifiantes, c'est-à-dire reconduisent le vivant à son être en vie, elle-même conçue comme champ d’Altérité et Différence. Néanmoins, quelle que soit l’importance que nous pouvons accorder aux transformations du sujet, conçu par lui-même ou dans des relations intersubjectives, celles ci ne pourraient probablement pas être vécues sans que n’intervienne par les strulptures une modification des niveaux d’organisation de l’espace. Ces niveaux sont comme autant de façons de répartir, en les différenciant, des dimensions prédéfinissant des modes d’occupation de l’espace conditionnant les modalités d’être : le plan dimension d’image, le volume dimension des corps, les structures dimension d’espace-temps. Les strulptures questionnent plus particulièrement le partage de ces deux dernières dimensions (il arrive cependant que le plan image soit lui-même pris dans l’œuvre, c’est par exemple le cas dans la strulpture intégrant la projection d’images d’oiseaux). Nous comprenons alors mieux pourquoi les strulptures engagent par là même une expérience singulière de l’Autre : c’est que le partage des dimensions du volume et des structures est ce par quoi, d’une part, un principe d’identité est mis en œuvre pour chaque corps, délimité par les lignes de contour du volume ; et d’autre part, ce qui permet un système de relations identifiables entre chaque corps, au niveau des structures. Questionner ces partages, c’est donc aussi questionner la place de l’Autre. Tandis que nous percevons habituellement l’Autre en dimension trois ou quatre, une strulpture serait plutôt comme ce qui introduit à une dimension située quelque part entre trois et quatre…

Correspondances, vide

Mais comment cet « entre » devient il opérationnel ? Qu’y a-t-il là rendant possibles des circulations entre dimensions, entre positions, entre différences, entre figure et figuration, entre les moments des processus engagés, entre soi et l’Autre ? A proprement parler, il n’y a rien d’autre que cela se réalisant. Mais nous pouvons cependant postuler l’existence d’un élément intervenant dans la mise en œuvre des correspondances transversales à ce qui est usuellement et habituellement séparé, le vide. Elément que les strulptures manifestent par ce qu’elles sont : la tour de sucre caramélisée, en son « éfondement », fait le vide au lieu qu’elle occupe en un premier temps, ce vide participant au jeu des forces que l’œuvre réalise dans le temps ; dans la cage d’escalier, c’est tout d’abord un vide localisé dans la structure de l’œuvre qui l’investit, mais le vide se propage autour et fait circuler les éléments de l’œuvre ; avec les pliages, si le vide est parfois contenu dans les plis, c’est pour mieux faire circuler les flux de lumière, qui en sont comme l’émanation. Le vide n’a pas de réalité substantielle, n’existe pas ; mais il fait exister, et ce d’autant mieux qu’il n’est que l’élément coprésent à toute présence (d’où cette importance de la lumière dans le rapport du vide aux forces mises en œuvre), un élément transcendantal non érigé en réalité substantielle. Car cette érection là ne ferait que refermer les ouvertures qu’il permet, ce à quoi même une approche symbolique expose. Les strulptures sont fondamentalement étrangères à un repli religieux du sens de l’être en une réalité transcendantale substantialisée, comme à un repli symbolique tel qu’orchestré par le recours à un Signifiant majeur. Dans cette voie, interprétative, la tour de caramel deviendrait par exemple le symbole d’un tel Signifiant, de type phallique ; le vide fonctionnerait comme un simple rappel d’une supposée castration symbolique, etc. ; mais comment ne pas voir que nous passerions dans cette voie à coté de ce qu’il y a d’essentiel dans les strulptures ? Il ne s’agit pas de croire de façon à ce que cela nous crève les yeux et nous empêche de voir, mais se contenter de voir et sentir ce qui s’expose, rien d’autre : ce n’est pas ce qui est là qui a besoin d’être enrichi de fictions, c’est plutôt ce type de fictions qui appauvrit la force de l’être là, celle là même qu’exposent les strulptures ; c’est à cela que nous avons besoin de croire.

X.R

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