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Résistance #9

[ Texte affiché lors de l'exposition ]

Lumière : seule une fenêtre laisse pénétrer les rayons de soleil, jets vivifiant la structure, la plongeant dans un clair-obscur - que de larges toiles telles des trous noirs renforcent. L’installation vit au rythme incertain du temps, des nuages, du vent ; le gris du dehors plonge dans le crépuscule en dedans ; les rayons de lumière portent à l’éclat de petites zones de papier – silences empilés. Le monde, dehors, lointain, vient, là, former l’espace que nous occupons. Nous qui nous déplaçons, nous qui nous situons en tel lieu, sommes ainsi renvoyés au là-bas, ici présent : en ce monde nous vivons, nous nous mouvons, ouvert à l’infinité de l’univers, pénétrant, variant. Cette étoile que seul le voile des nuages la masquant fixe son attente, et non plus la nuit barrée des villes nous fermant la voûte sans fond ! Au cœur d’un bâtiment, paradoxe du vivant, nous désirons être à la mesure de notre être. Non plus fonctionnalisés, imbriqués, formés : qu’au contraire nous retrouvions ce qui jamais ne fut abandonné : un élan, une captation de ce qui nous dépasse et nous fait. Sombre alors parce que dépourvu des artifices trompeurs - nul éclairage factice ne viendra rendre cette saveur des choses avec laquelle la Nature propulse l’être-au-monde. Sombre mais attentif à l’éclair, au rayon traversant, illuminant, projetant l’ombre amicale qui égaye le fond obscur de nos demeures.

Abstraite peut-être cette approche dont la vie se nourrit : de carrés et de ronds, de colonnes aux angles géométriquement dessinés et pourtant qui détournés, constituent un intérieur où demeurer. En l’espace d’un hangar, les papiers forment en son milieu l’accueil d’un être enveloppé mais déjà au dehors : d’un noir à l’autre, des carrés noirs qui forment la limite infinie de l’espace au cercle noir qui définit le point où se tient - quoi ? Peut-être une traversée, un plancher transfiguré, un vide habité, une colonne absente, incarnée en nos corps sublimés. « Je » suis l’édifice édifié, relevé, absenté mais manifesté par cette construction, parce qu’au fond, qu’importe ce que nous construisons si n’était l’acte qui fait que nous nous y situons. D’un pas léger, suspendu en l’espace contenu, un temps – éphémère sensation – révélateur de toute émergence au monde, s’étire et fait se tenir le soleil au dehors et le cercle noir en dedans, double sombre de ce premier qui pour nous être révélé nous fait savoir le trou au-dessus duquel un instant nous demeurons. Suspend éphémère et fragile ainsi que les structures de papier, temps fugace cependant de la joie du Présant. Les pieds posés sur le cercle du carré enveloppé, nous tournons, chantant en silence la danse de la vie recommencée.

X.R